« Le jour où un ancien ensorcelé m’annonça que j’étais « prise », que mes symptômes et l’état de ma voiture en témoignaient à l’évidence, et qu’il me demanderait un rendez-vous chez sa désorceleuse, Madame Flora, j’en fus presque soulagée.» L’anthropologue et psychanalyste Jeanne Favret-Saada rapporte dans Désorceler la suite de ses travaux sur la sorcellerie dans le Bocage de l’Ouest français. Dès ses premiers livres publiés chez Gallimard, les travaux de Jeanne Favret-Saada ont frappé les esprits en ce qu’ils s’opposaient à la doxa anthropologique ainsi qu’à un usage conventionnel de la psychanalyse: l’auteur s’était en effet laissé impliquer dans les processus qu’elle étudiait et, bon gré mal gré, elle était devenue désorceleuse. Presque trente ans ont passé et la démarche comme le travail de l’anthropologue n’ont rien perdu de leur originalité. Le présent livre est donc un retour sur les matériaux relatifs au désorcèlement – description des éléments empiriques, étude du désorcèlement comme thérapie du collectif des habitants d’une ferme, description de l’invention de cette thérapie au cours du XIXe et du XXe siècle, illustration du travail (très inquiétant) de Madame Flora, magicienne-thérapeute, etc.-, et pose la question de savoir comment le fait d’« être affecté(e) » permet paradoxalement de construire un discours scientifique . ici sur la sorcellerie.
Bref, un ouvrage envoûtant, accessible à tous et, au sens propre, extra-ordinaire.
« Désorceler », paru aux Editions de L’Olivier Coll Penser/Rêve en 2009,
Jeanne FAVRET SAADA, ethnologue et psychanaliste.
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