Ce documentaire s’attache à rendre compte des qualités musicales remarquables des polyphonies polynésiennes et s’interroge sur leurs implications sociales et culturelles contemporaines.
La réalisation privilégie l’immersion dans le quotidien d’un pupu himene, un groupe de chant, de la presqu’ile de Tahiti, le groupe Tamari’i Vaira’o, à la veille de participer au Heiva 2018, célèbre concours de chants et de danses de la Polynésie française. Cette intégration dans le groupe permet d’apprécier l’engouement et la ferveur des répétitions et des préparatifs; elle ouvre aussi les portes des scènes du concours après un voyage dans l’autobus de la chorale jusqu’à la place To’atā à Papeete… Reste à patienter jusqu’à la remise des prix, fébrilement attendus…
En premier lieu, le film s’emploie à rendre sensible le tissage très singulier des neuf voix du chant « traditionnel » Tārava et cherche à saisir l’intrigue de cette impressionnante pratique vocale qui semble s’exercer à la limite de la voix elle-même, au bord d’un précipice, au risque du vertige et de l’exténuation ; une forme de chant choral trop peu connue, n’existant qu’en Polynésie, mais dont la singularité porte une expressivité véritablement universelle. Ainsi, s’élabore progressivement, par les rencontres avec des personnages centraux de ce groupe, une interrogation sur les conditions de la fabrication du chant (la spécificité des différentes voix, les problèmes d’exécution d’ensemble, le rôle du chef de chœur, les conditions de la transmission, notamment aux jeunes).
Dans un second temps, au-delà des fondements de la technique vocale, il s’agit d’une tentative d’accéder aux significations de portée plus générale qui sont mobilisées par les chanteurs : l’importance du lien intergénérationnel et communautaire, désiré et expérimenté intensément dans l’expérience physique du chant choral qui à la fois exprime et renforce le tāhō’ē – l’unité – et aussi les modalités subtiles associées à la production chaque année, de nouveaux textes qui peuvent être chantés, soit au temple, soit au Heiva… avec des paroles distinctes. Des échanges soutenus avec les choristes entraînent alors le spectateur à la découverte de l’intrication historique des rapports entre la culture tahitienne et l’Eglise protestante; une complexité qui sera éclairée par quelques commentaires anthropologiques et historiques nécessaires.
Enfin, après une plongée étonnante dans la séance de clôture du 134ème synode de l’Eglise Protestante Mā’ohi, le dernier mot reviendra aux responsables et aînés du groupe de Vaira’o. En évoquant leurs choix existentiels et leurs rapports au chant, à la famille et à la langue, ils nous donnent à penser certains enjeux sociaux, religieux et politiques qui caractérisent les pratiques culturelles de la Polynésie contemporaine.
« Tarava Tahiti », film documentaire réalisé en 2019. Durée: 58 minutes
Anne Marcellini est professeure en sociologie du corps et de activités physiques adaptées (Universités de Lausanne et de Montpellier). Elle est spécialiste de l’étude des processus de participation sociale, d’affiliation communautaire et de construction identitaire par les pratiques corporelles et sportives. Spécialiste des approches qualitatives des pratiques corporelles et des usages sociaux du corps, ses travaux s’orientent depuis 2008 dans le domaine de la sociologie visuelle et filmique.
Daniel Denis est professeur des universités en sciences de l’éducation (Universités de Cergy-Pontoise et Paris Sud Orsay). Ses travaux portent sur la sociologie et l’histoire des transformations de l’éducation du corps dans plusieurs contextes de réformes politiques et social aux XIXème et XXème siècles. Il est par ailleurs musicien, après avoir étudié le violoncelle avec J. Ripoche au Conservatoire National de Région de Caen puis D.Markevitch au Conservatoire Rachmaninoff de Paris.
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