Les ruines et la désolation tenteront vainement de s’immiscer dans la discussion que nous aurons avec le Collectif Rosa Bonheur que nous accueillerons pour une première fois à la Cave Poésie à Toulouse. Nous évoquerons avec eux les stratégies développées par les populations des territoires désindustrialisés pour recomposer d’autres formes d’existences, ne reposant pas tant sur le marché du travail, mais bien plus sur des formes de solidarité, d’activités non-marchandes qui permettent à ces habitants de « s’en sortir » dans un contexte où la précarité ne cesse de gagner du terrain. Et il se pourrait bien que le rôle du facteur, décrit par Nicolas Jounin, ne soit pas épargné par ces transformations sociales et sociétales. Du travail méticuleux du transport des courriers et colis aux « quatre coins de France », s’est substitué un marché mondial de la livraison reposant sur l’exploitation de l’inemploi et d’une main d’œuvre corvéable. Mais le facteur est encore bien là et on l’attend toujours, parfois pour discuter et marquer le temps d’un « bonjour » la résistance ordinaire au retrait progressif des services publics en France. L’hôpital, nous le savons plus que jamais, fait partie de ces endroits où il faut pallier et s’organiser face à la pénurie. Yannick Jaffré sera notre guide au sein des cliniques pédiatriques d’Afrique de l’Ouest où il s’est intéressé aux liens d’attachement entre soignants et malades, qui bouleversent la prise en charge des enfants. Il nous fera prendre la mesure de la souffrance des soignants face au dramatique « manque de moyens », s’accompagnant d’un processus de conscientisation des approches de la douleur et du soin. Plus loin, en compagnie de Boris Pétric, nous irons voir comment la viticulture française est, quant-à-elle, un patrimoine qui s’exporte particulièrement bien dans un contexte de mondialisation. Son film Château Pékin (en sélection officielle au festival Jean Rouch de 2018) nous permettra de suivre les pérégrinations de trois protagonistes français et chinois, pour qui l’art de la vinification n’est autre qu’un ferment des relations franco-chinoises. Mais il est d’autres contextes où « la mayonnaise ne prend pas », si l’on peut dire. Jean-Pierre Olivier de Sardan, spécialiste des interventions humanitaires et du développement en Afrique, prendra le temps de nous décortiquer les écarts entre les projections idéalistes voire décalées et la rugosité plus pragmatique des réalités observées sur les territoires où se déploient ces politiques développementistes. Ce sera l’occasion de revisiter l’évolution des dilemmes éthiques et politiques qui jalonnent l’histoire de l’anthropologie de la colonisation à nos jours.
Gaëlla Loiseau
Présidente du Bistrot des Ethnologues de Montpellier