Partant de la traque que vivent les « sans-papiers », scrupuleusement décrite par Stephan Le Courant, nous saisirons non seulement comment elle façonne leur exploitation au sein de notre société, mais surtout la manière dont elle s’immisce dans le quotidien et l’intimité de ces personnes broyées ou effacées par la clandestinité. Cette première séance sera l’occasion d’inaugurer l’exposition réalisée par les étudiants en anthropologie de l’université de Montpellier sur l’hospitalité et l’inhospitalité.
La menace se fera ressentir d’une toute autre manière dans le Sinaloa, région emblématique du narcotrafic international, qu’Adèle Blasquez a sillonnée pour en extraire les propriétés du silence dans lequel les habitants se terrent pour survivre face à la violence. Puis ce sera le moment de sombrer plus profondément encore pour puiser dans la puissance khat la force de vivre. Céline Lesourd nous décrira la trajectoire ambiguë et la vie politique de cette plante éthiopienne tour à tour socialisante, euphorisante, mystique et prohibée. Nous plongerons ensuite cinq siècles en arrière grâce à Jérôme Thomas, pour nous imprégner des descriptions d’une étonnante objectivité rédigées en 1584 par le jésuite Fernão Cardim, en particulier concernant les pratiques d’anthropophagie observées chez les indiens du Brésil.
Il sera temps ensuite de refaire surface et de savourer la convivialité en chansons, celles que Jean-Michel Lhubac a collectées en prêtant son oreille musicienne auprès des habitants de Sète qui cultive le goût de la fête de génération en génération. Ce sera toujours la transmission que nous aborderons à la Faculté de Médecine de Montpellier où les guérisseuses seront à l’honneur afin d’expliciter, par la voix de Clara Lemonnier, leurs remèdes pour rester vivantes malgré les multiples tentatives d’absolution qu’elles ont toujours su dissiper. Nous découvrirons à cette occasion l’installation du « Châle de la dame d’Izé » qui captera différemment notre attention, et agira comme un sortilège sur nos esprits éveillés. Tant et si bien qu’il deviendra possible de voir l’invisible, et d’entrer en contact avec les fantômes que Grégory Delaplace a côtoyés en osant pousser les portes des maisons hantées.
D’autres formes de perturbations seront inspectées par Nahema Hanafi qui, après avoir remonté le fil des spams qui envahissent nos messageries électroniques, a découvert qui se cache derrière ces « attaques à la nigériane » et comment ces cyber-escrocs subtilisent les rouages des rapports post-coloniaux pour en tirer profit. Une manière en somme de « gagner leur vie » qui alimente l’image du profiteur, dont les schèmes sont à l’œuvre au sein des institutions en charge des politiques sociales en France. C’est en effet, nous dit Vincent Dubois, à partir de cette image du « fraudeur » que s’institue la valeur travail dont les bénéficiaires des minimas sociaux seraient dépourvus.
La saison qui se profile nous permettra ainsi d’aborder une diversité de manières dont les humains usent de la menace, comment ils s’y confrontent, la désamorcent ou l’apprivoisent.
Gaëlla Loiseau
Présidente du Bistrot des Ethnologues de Montpellier