La hantise du sauvage est passée de mode. Pour être en adéquation avec les valeurs contemporaines il faut aimer les fauves. Il faut les avoir vus, avoir entendu leurs grognements nocturnes et leurs chants d’amour. Il faut même leur ressembler. L’animal sauvage est partout. Il envahit les campagnes et les bois abandonnés par les ruraux. Il fréquente nos maisons sous forme de trophées (très à la mode en dépit de l’écologisme ambiant), de nourriture (l’alimentation à base de gibier a doublé en quelques années), de vêtements (après une courte éclipse la fourrure est revenue). Il fournit des modèles de comportement et se prête aux identifications les plus hétérogènes : sous le signe du prédateur, on voit cohabiter des « écolos » pacifistes, des biologistes engagés, des néo-chamanes romantiques, des néo-nazis enragés. Comment expliquer cet engouement pour le sauvage ? S’agit-il d’un besoin profond ou d’une mode ? Faut-il y voir le réveil de nos pulsions les plus archaïques (celles-là mêmes que nous partageons avec les autres animaux) ? Le reflet d’une prise de conscience environnementaliste ? Un simple effet de marché ?
Sergio Dalla Bernardina, professeur d’ethnologie à l’Université de Bretagne occidentale. Les recherches de Sergio Dalla Bernardina portent à la fois sur l’anthropologie de la nature, les conditions de production du discours anthropologique et l’influence de la subjectivité du chercheur dans le processus heuristique.
Conférence | :11 | 5 février 2013